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Manon Douard

Pourquoi faire appel à un photographe de mariage professionnel et pas à un invité ?

Dernière mise à jour : 13 févr.

L’article d’aujourd’hui m’a été soufflé par une discussion que j’ai eu cette semaine. Une fiancée avec qui j’échange, et qui se marie l’année prochaine, m’a expliqué qu’elle n’allait sans doute pas recourir aux services d’un photographe professionnel pour son mariage, car un membre de la famille qui aime beaucoup la photo souhaite se charger du reportage de son mariage. Ce qui m'a amené à réfléchir à cette possibilité et à ce que j'en pensais.


Peut-on faire appel à un ami/membre de la famille pour réaliser son reportage de mariage ?

Les avantages sont évidents : économie d'argent, gain de temps puisqu'on s'épargne la recherche longue et fastidieuse d'un prestataire ; on peut également se sentir rassuré d'être entouré ce jour-là par une personne proche et pas un illustre inconnu.


Etant photographe de mariage moi-même, on peut se dire que je suis biaisée sur ce sujet, et que ma réponse va forcément être : « Je ne pense pas que ça soit une bonne idée. ».


Et…


Je ne pense pas que ça soit une bonne idée.



Je ne suis pas en train de dire que passer par quelqu'un qui n'est pas photographe professionnel est systématiquement une erreur : ça ne serait pas vrai. Moi-même, avant de m'être formée spécifiquement à la photographie de mariage, j'avais tendance à me dire "oui enfin tant que tu maîtrises ton appareil ça va, tu sais faire." Coucou délicieux effet Dunning-Kruger.


Je me suis ensuite rendue compte en le devenant moi-même que ce métier faisait appel à des compétences/qualités assez diverses, au-delà de juste passer une journée à taper dans le buffet en prenant des photos de gens bien habillés (même si ça fait effectivement partie du métier, ce qui est assez chouette, d'ailleurs).


Petit tour d'horizon des différentes compétences qui me viennent à l'esprit quand je pense au métier de photographe de mariage, et qu'il est bon d'avoir à l'esprit quand on se demande à qui confier cette tâche !


Nota : il est évident que cet article ne prend pas en compte la question du budget, qui est pourtant primordiale. Si on pouvait tous se payer des photographes à 6000 euros, c'est clair qu'on se prendrait moins la tête. Cet article part du postulat que tu as le choix entre passer par un professionnel et confier cette tâche à un invité. Si tu ne l'as pas, mieux vaut évidemment avoir des photos faites par un copain qu'aucune photo du tout !


Les compétences techniques d'un photographe de mariage professionnel


On va d’abord enfoncer des portes ouvertes : techniquement, la photographie, ça ne s’improvise pas.


Le Jour J


Il est essentiel d’être à l’aise avec son appareil photo et ses différents réglages avant le mariage. Tu ne peux pas te permettre d’attendre le jour J pour faire des tests de réglages ou de cadrage, tout simplement parce qu’un mariage, pour un photographe, c’est une prestation qui comporte très peu de temps morts. Chaque moment de la journée a son importance, et certains sont très courts (coucou toi le lancer de bouquet). Et même si dans le monde de la photo, nous passons clairement pour les saltimbanques de l'équipe, le fait est qu'en mariage, il faut savoir tout faire.


Ce que j'adore dans ce métier, c'est qu'au cours d'une même journée, on touche à tout : il faut savoir faire des photos en intérieur, en extérieur, par beau temps comme par mauvais temps, des portraits et des plans larges, des photos de détails ou d'architecture. Il faut savoir s'adapter en permanence à des lieux plus ou moins sombres, exigus, chargés en décoration ou au contraire très épurés, des églises assez sombres ou des cérémonies laïques en plein soleil. Les compétences techniques à maîtriser pour couvrir correctement un mariage sont nombreuses (ce que je ne mesurais pas pleinement quand j'ai commencé, heureusement pour moi, sinon je crois que je n'aurais jamais osé me lancer).


photo de détails de la table d'honneur des mariés décorée dans des teintes oranges et lavande

La capacité d'adaptation qui permet à un photographe de changer d'approche parce que la lumière est contraignante, d'imaginer telle ou telle composition parce que tel décor ou telle lumière lui plaît, c'est le fruit d'une maîtrise technique mais surtout d'expérience de terrain, d'une habitude à travailler sous pression et à être créatif dans un environnement contraint. C'est aussi un regard qui évolue, qui s'aiguise avec le temps et la pratique.

Par exemple, si je vais chez Sephora, au bout de 5 parfums reniflés je ne sens plus rien et tu pourrais me refourguer n'importe quoi. A priori, une vendeuse qui y passe 8h par jour est capable, contrairement à moi, d'être pertinente dans ses conseils même après avoir baigné des heures dans un environnement qui saturerait rapidement le nez de quelqu'un d'autre. L'expérience lui permet d'aiguiser le sens dont elle a besoin pour travailler. En photographie c'est la même idée. Aiguiser son oeil, analyser systématiquement les image sur son temps libre, ça entraîne ton oeil à acquérir un meilleur sens de la composition que quelqu'un dont ce n'est pas le métier.


Quelqu'un qui adore les photos sur son temps libre, qui prend systématiquement les photos de famille ou de vacances (typiquement moi avant ma reconversion) n'aura pas pour autant ce regard et cette réflexion sur la composition. La photographie c'est un artisanat, et de même que tu ne t'improviserais pas menuisier juste parce que tu travailles le bois de temps en temps le weekend, tu ne vas pas t'improviser photographe parce que tu aimes bien faire des photos de voyage. Cet artisanat devient même selon moi de l'art, à un certain niveau de maîtrise, et personne n'est devenu Picasso d'un coup en ramassant un pinceau tombé par terre en cours d'art plastique.

(Oui j'ai un sens de la comparaison un peu imagé, c'est ludique comme tout, vraiment.)


Etre photographe de mariage c'est aussi s'atteler à la retouche du reportage


Après la journée de prise de vue vient un autre aspect primordial : la post-production du reportage.


Une photo qui n’est pas développée via des logiciels adéquats ne révèle pas tout son potentiel. A l’heure actuelle, les capteurs d’appareils photos ne savent tout simplement pas restituer les couleurs avec autant d’acuité que l’œil humain. Le développement des photos est donc essentiel, a minima pour restituer les couleurs d’origine. Le développement est aussi le moment où l’on donne au reportage son caractère définitif, grâce aux retouches que l’on va apporter aux différentes photos.


portrait d'un couple le jour de son mariage

Cette étape est nécessairement longue : il faut trier les photos brutes pour ne conserver que les plus jolies puis retoucher l’intégralité du reportage en s’assurant que l’ensemble est harmonieux et cohérent. La prise de vue ne représente pas la part la plus importante du travail de photographe de mariage : c’est le tri et la retouche qui prennent, de loin, le plus de temps. Vouloir se charger d’un reportage de mariage, c’est donc prendre aussi en charge le développement du reportage (et donc potentiellement avoir le matériel informatique adapté. La première fois que j’ai importé 8000 photos brutes sur mon ordinateur, le message m’indiquant la durée d’importation me proposait de repasser dans trois jours. Plaisir).


Outre la compétence technique, la charge de travail en elle-même est importante. Ce n’est pas sans raison que je mets jusqu'à trois semaines à restituer le contenu de leur reportage à des mariés : le développement est une étape importante et longue.


Cette question du développement me fait penser aux albums photos. Comme je te l’avais expliqué, les photographes professionnels travaillent avec des entreprises spécialisées qui permettent de produire des albums photos de qualité auxquels n’aura pas accès ton photographe s’il est passionné de photographie mais pas professionnel. C’est un détail, mais à garder en tête tout de même !


Les autres compétences d'un photographe de mariage : diplomatie, rigueur, observation, adaptation, etc.


D’autres compétences me paraissent importantes pour gérer sereinement la couverture d’un mariage. C’est ici que je vais sans doute être la plus subjective : les qualités que je vais avoir tendance à prôner sont celles que j’essaye d’avoir lors de mes propres prestations.


Je vais commencer par un aspect auquel on pense peu mais que j’ai découvert lors de mes premiers mariages : c’est exigeant physiquement. Une prestation de mariage dure plusieurs heures, et tu es en permanence debout/en train de courir/accroupi/allongé par terre dans l’allée de l’église pour prendre en photo une petite fille.


La prestation peut en plus durer particulièrement longtemps. Au mariage de Ludovic et Sarah, j’avais commencé vers 7h00 du matin, et je me souviens très bien que vers 23h00, mes jambes ont commencé à déserter. « Nous, d’ici 15 minutes, on te prévient, on passe en position horizontale. Si t’es encore debout à ce moment-là, vraiment, ça sera pas notre problème. » J'ai depuis couvert des mariages enceintes, et si la dimension physique de ce métier n'était pas encore assez claire, je te confirme que lestée de 8 kilos sur le ventre j'en ai pris pleinement la mesure.


photo de soirée de la silhouette des mariés en train de danser en noir et blanc

Viennent ensuite les qualités humaines. Au-delà des photographies, le photographe a un rôle auprès des mariés. Il doit être accessible, rassurant, répondre à leurs questions, les aider aussi s’ils doutent ou qu’ils ont des montées de stress ou de frustration. Bref, être bienveillant. Il faut aussi qu'en tant que futur(e) marié(e), tu te sentes à l'aise à l'idée d'avoir l'invité en question avec toi, par exemple lors de tes préparatifs, ou pour ta séance couple.


Être photographe de mariage implique aussi de savoir être directif par moments – par exemple lorsqu’on a 30 photos de groupe à réaliser et qu’il faudra pour chacune réunir les 10 personnes éparpillées un peu partout sur la pelouse – ou en cas d’imprévu rendant impossible l’exécution de telle ou telle activité. Une fois, j’ai par exemple délocalisé la haie d'honneur des mariés qui était irréalisable à la sortie de la mairie à cause de gros travaux dans le centre-ville (et d’immondes barrières oranges fluos que je ne voulais nulle part sur mes photos). Rien de bien compliqué en tant que tel, mais ça nécessite quand même de prendre une décision puis de l’imposer à 100 personnes, ce qui n’est pas forcément évident quand on n’a jamais fait ça avant.


photo d'un marié faisant tournoyer sa femme dans une roseraie

Ce qui m’amène à mon point suivant : tenir le rôle de photographe à un mariage, ça demande aussi une certaine résistance au stress. Outre les petits imprévus du jour J, tu es juste responsable de la création des souvenirs du jour le plus important de la vie de deux personnes, et si tu te rates, c’est absolument irréparable. C’est exactement pour ça que j’ai, personnellement, commencé par des mariages non rémunérés et en accompagnante d’un autre photographe. C’était juste beaucoup trop de pression pour moi à mes débuts.



La problématique de la double casquette invité/photographe de mariage


Le cumul des mandats à un mariage est compliqué, parce que les attentes qu'on a vis-à-vis d'un prestataire rendent difficiles le fait de profiter de la journée.


"L'instant ne peut pas être à la fois vécu et conservé"


En tant que photographe prestataire, je n’ai pas le même regard sur le déroulé de la journée. Evidemment, je suis émue pour les mariés et très heureuse pour eux, mais le prisme de la photographie est un bruit de fond constant. Je suis davantage concentrée sur la lumière, la question de savoir si j'ai bien réussi à prendre en photo tous les invités, les éléments du vin d'honneur, la décoration, que de me joindre à l'émotion du moment. Pour un invité, il sera difficile de profiter pleinement de la journée tout en devant gérer ces multiples questionnements.


photo d'un couple de mariés qui rie en remontant l'allée de leur cérémonie laïque sous les acclamations des invités

Sans compter qu’on ne peut pas prendre les photos et être dessus – je sais, j’ai un don pour souligner l'évidence. Pendant la cérémonie, par exemple, si un invité photographie l’assemblée et les mariés, il ne sera pas sur les photos. C’est à prendre en compte pour les mariés aussi bien que pour l’invité : tu auras un album photo où ne figurera pas ton oncle/cousine/ami qui aura décidé d’endosser ce rôle.


On en revient à la citation que j’ai mise sur mon site : « L’instant ne peut pas être à la fois vécu et conservé. Il faut choisir. » Pour moi, en tant que prestataire, il est évident que mon rôle sera de conserver l’instant. Pour un invité, prendre ce rôle, c’est renoncer à vivre pleinement le mariage, c’est donc une décision à ne pas prendre à la légère.


La responsabilité que tu mets sur les épaules de ton invité est très importante


La pression que l’on met sur les épaules de quelqu'un qui endosse la responsabilité du reportage de mariage sans avoir beaucoup d'expérience est importante, surtout que j’ai tendance à penser que cette responsabilité est d’autant plus lourde à porter quand on photographie des proches : on sera forcément encore plus triste si on déçoit ou qu’on blesse des gens qu’on aime. Quelque part, travailler pour des gens qu'on ne connaissait pas avant crée une distance qui permet de mieux gérer la pression, de la même manière qu'on recommande à un médecin de ne pas opérer un membre de sa famille (bon, l'enjeu est un peu plus important dans le cas d'une opération à coeur ouvert n'est ce pas mais tu saisis l'idée).


Je n'ai jamais été plus stressée que quand j'ai couvert le mariage d'amis à moi, et pourtant c'est mon métier, ils avaient validé mon travail en amont et j'avais demandé à être traitée comme une prestataire le jour J. Malgré tout ça, je ne travaille jamais autant sous pression que quand je le fais pour des gens que j'aime. Vivre ça sans même pouvoir me reposer sur ma maîtrise technique et mon expérience de photographe de mariage, ça serait juste horrible et je ne saurais trop te recommander de ne pas faire vivre ça à un de tes invités.


Le travail de ton photographe de mariage ne te satisfait pas : la double-peine si cette personne est un.e proche


Abordons un cas de figure auquel je souhaite ne jamais être confrontée : tu n'es pas content.e du résultat. Les photos ne te conviennent pas, la prise de vue, la retouche, le manque de variété, bref, quelque chose ne va pas.


Dans le cadre d'une relation contractuelle avec un photographe professionnel, plusieurs possibilités s'offrent à toi. Ton photographe aura probablement conservé les fichiers bruts (c'est ce que je fais) au cas où justement, tu souhaiterais faire des modifications. Il pourra dialoguer avec toi, te proposer des solutions, et surtout tu seras capable (j'espère) d'être pleinement honnête avec lui concernant tes attentes du fait justement qu'il ne fait pas partie de ton cercle amical ou pire, familial.


En revanche, si ton photographe n'est autre que ton cousin, ta tante, ta cousine, ton meilleur ami, le risque est évidemment que ce conflit momentané n'imprime durablement une marque sur votre relation. C'est la double-peine : tu es déçu.e de tes images, et effrayé.e des conséquences de ce désaccord sur ta relation à long-terme.


Conclusion


Evidemment et comme toujours : prends ta décision en fonction de ce dont tu as envie ! Garde simplement en tête que réaliser un reportage de mariage est une succession d'étapes, et sois sûr d'en discuter avec la personne qui se propose de le faire, afin de t'assurer qu'elle a conscience du travail que ça représente ! Une saine communication est le gage de la réussite !


Ce qui m'amène à un point important : si quelqu’un dans ton entourage s’est proposé d’office parce qu’il s’estime capable de tenir ce rôle, tu n'es pas tenu.e d'accepter. C’est ton mariage, donc c’est ton désir qui doit primer. Oui, tu risques de blesser cette personne si finalement tu refuses son offre, mais avoir des photos qui ne te conviennent pas et qui seront tes seuls souvenirs de cette belle journée me semble un prix très lourd à payer simplement pour ne pas heurter les sentiments de quelqu’un dont ça ne sera pas le mariage.

De plus, être persuadé qu'on sait faire ne signifie pas qu'on sait effectivement faire. C'est l'effet Dunning-Kruger : plus notre connaissance d'un sujet est superficielle, plus on a de facilité à s'auto-convaincre de notre maîtrise de ce même sujet. Tu n'as vraiment pas envie de faire l'expérience douloureuse de l'application concrète de l'effet Dunning-Kruger avec tes photos de mariage (et ce n'est pas non plus un cadeau à faire à l'invité concerné).


Bref, pèse le pour et le contre, et fais exactement ce que tu veux.


Comme toujours : tant que tu es serein(e) vis-à-vis de ta décision, tout ira bien !


Tu peux retrouver mon portfolio sur mon site. Si tu veux me contacter pour me parler de tes projets photo, c'est par là !


A plus tard,


Manon

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