Nota : cet article a été rédigé il y a quelques années. J'ai voulu le remettre en ligne parce que c'est toujours intéressant de voir l'évolution de ma vision des différents courants photo, mais le thème du Fine Art a fait l'objet d'un article plus récent et plus représentatif de ma vision actuelle. Tu peux le retrouver ici.
Bonjour toi,
Aujourd’hui, je m’attaque à un gros sujet : essayer d'expliquer ce qu'est la photographie de mariage Fine Art. J'ai déjà fait un article décrivant les différents styles de photographie de mariage qui est aujourd'hui l'un des plus lus sur ce blog. Avec le temps, mon style photographique s'est nettement mis à pencher du côté du Fine Art : l'occasion de faire quelques recherches et de te parler un peu de cette approche particulière de la photographie de mariage.
Cet article est né du constat que quand j'essayais de décrire ce style de photographie de mariage aux mariés, j'avais du mal à le définir. Je savais reconnaître les photos qui tendent vers le Fine Art, mais pas forcément expliquer clairement pourquoi telle ou telle photo "fait Fine Art".
Du coup, j’ai fait des recherches, et je vais te raconter ce que j'ai trouvé. Je me dis que si tu as quelques éléments sur l'origine de ce mouvement et ses caractéristiques, ça peut t'aider à déterminer si c'est ce dont tu as envie pour ton mariage.
La photographie Fine Art : ça vient d'où ?
Le mouvement du Fine Art serait né dans les années 1940. A l’époque, la photographie n’est pas considérée comme un art, et ça ne viendrait à l'idée de personne - ou presque - d’exposer dans une galerie des photos comme on exposerait des peintures. Les photographes gagnent leur vie en honorant des commandes - mariages, publicités pour conserves - donc on ne va pas les exposer à côté de Picasso, calmons-nous.
La photographie, à l’époque, c’est considéré uniquement comme de l’artisanat. Le mouvement Fine Art va justement naître de la volonté des photographes de se défaire de cette étiquette réductrice, de promouvoir la photographie comme un art à part entière.
A l'origine, le style Fine Art, c'est simplement l'approche artistique de la photographie.
Jusque-là, comme je te le disais, les photographes professionnels répondaient à des commandes : moyennant rétribution financière, on réalise des portraits de famille, de mariage, des photos publicitaires pour vendre tel ou tel produit. Les photographes qui se revendiquent de la mouvance Fine Art souhaitent que leurs photos fassent plus que représenter le réel, qu'elles transmettent des émotions, au même titre qu'une oeuvre d'art.
On peut faire remonter l’origine de la photographie Fine Art à John Jabez Edwin Mayall, un photographe anglais qui s’est illustré pour avoir un nom assez chiant et compliqué pour être le premier photographe à se considérer comme un artiste plutôt que comme un artisan, quelqu'un qui veut créer des œuvres à part entières. Par exemple, Mayall a nommé une de ses photos « This Mortal must put on Immortality » ce que tu peux approximativement traduire par « Ce Mortel doit revêtir l’Immortalité ». Comme tu le constates rien qu'avec le nom de la photo, la démarche est assez ambitieuse : Mayall veut transmettre une idée, l'incarnation de quelque chose. Il ne s'agit plus seulement de faire un portrait.
Ci-dessus une photo de Karl Marx pris par Mayall (et on lui souhaite bonne chance si c'est lui qui doit revêtir l'Immortalité).
En photo de mariage, quand tu lis des articles sur le Fine Art, c'est presque exclusivement son esthétique spécifique qui est mise en avant : la lumière, les tons blancs ou pastel... Mais à la naissance du mouvement, ce qui distingue le Fine Art, ce n’est pas une esthétique en particulier, c’est plutôt l’intention du photographe de transmettre une émotion plutôt que juste illustrer quelque chose. Ça explique d’ailleurs le nom de ce courant de photographie, puisque « Fine Art », peut être traduit en français par « Beaux-Arts ».
En résumé, donc, la photo Fine Art, c’est quand la photographie devient un art à part entière. Picasso a même dit « J’ai découvert la photographie. Maintenant je peux me tuer. Je n’ai plus rien à apprendre. » Bon, c’est un peu too much comme point de vue (lui aussi, faut qu'il se calme), mais tu comprends l’idée.
Mais du coup, si le Fine Art c'est une approche et pas une esthétique, d'où viennent ces codes très précis qu'on retrouve en photographie de mariage ? Comment on passe de « je me définis comme un artiste et je crée des œuvres, pas simplement des photos » à « je-suis-photographe-fine-art-donc-je-fais-des-photographies-lumineuses-épurées-et-élégantes-à-dominantes-blanches-ou-pastel » ?
L'arrivée du style Fine Art en photographie de mariage
Le monde du mariage et la photo Fine Art se correspondent bien, quand on y pense. Ce que les mariés recherchent, c'est exactement ce que le Fine Art propose : transmettre une émotion plutôt que simplement représenter quelque chose.
Quand tu engages un photographe pour immortaliser ton mariage, c'est parce que tu veux que tes photos te ramènent à ce que tu as pu ressentir lors de cette journée si particulière, qu'elles immortalisent des moments importants pour toi, pas seulement pour garder à jamais une trace du chapeau fluo de Tatie Josiane (même s'il est vraiment quali et que lui aussi, il peut revêtir l'Immortalité).
La démarche du Fine Art trouve donc avec le mariage un terrain de jeu idéal, et comme c'est un secteur qui connaît de forts effets de mode et de tendances, le Fine Art s'est répandu puis s'est progressivement standardisé. On est finalement arrivé à ces attributs de la photographie de mariage Fine Art que beaucoup de photographes ou de futurs mariés ont en tête, consciemment ou non.
Les caractéristiques de la photographie de mariage Fine Art
Le nerf de la guerre : la lumière
C'est le critère par excellence du Fine Art : les photos sont (très) lumineuses. La lumière est au centre de la composition, ce qui renvoie à l'origine même du Fine Art, qui se définit par la mise en scène d'une photo, tout simplement. Si prendre une photo s’apparente à créer une œuvre, il faut la composer comme on composerait un tableau, donc entrer dans une dynamique de création de la mise en scène et de l'éclairage, plutôt que d’espérer « découvrir » des scènes sur le vif comme en photojournalisme.
Ce qui m'amène à la deuxième caractéristique :
La Mise en Scène
Ce point découle naturellement du précédent : en Fine Art, au contraire du style photoreportage pur, on trouve souvent des photos dont les sujets sont mis en scène, notamment au moment des préparatifs ou de la séance couple, par exemple. Dès lors qu'on est dans une approche de composition, de création d'une ambiance à partir de l'environnement, il paraît logique de diriger ses sujets et de modifier le décor pour le faire correspondre à l'ambiance que l'on veut retranscrire.
J'ai l'impression que dans on reportage de mariage Fine Art, on trouve davantage de photos posées que dans d'autres approches : tu vas demander à la mariée qui se fait maquiller de se mettre près d'une fenêtre, par exemple ; tu vas dissimuler les éléments qui rentrent dans ton cadre et en dérange l'ordonnance, des sacs qui traînent, des verres, etc. Le rendu peut donner l'impression d'une photo sur le vif, mais il y a aussi beaucoup de clichés qui cultivent cet art de la pose et de la composition.
Ceci étant dit, il est impossible de faire un reportage photo de mariage sans clichés spontanés, il y en aura donc forcément dans ton reportage si tu te diriges vers cette approche photo.
Disons qu'en Fine Art, les reportages comprennent des photos posées, là où certains styles mettent en avant la seule spontanéité comme règle de composition.
Les couleurs blanches/monochromes et les teintes pastel
On en revient toujours à cet objectif de créer une atmosphère, sans détourner l'attention du spectateur par un surplus de détails ou de couleurs. On va donc favoriser des photos assez douces, avec une dynamique d'image faible (blancs et noirs tirant sur le gris clair ou foncé plutôt que des contrastes violents). Sur la photo ci-dessous, par exemple, tu constates qu'il y a très peu de blancs "totalement blancs" et que même les ombres, notamment derrière la colonne flanquant la porte, sont gris clair.
Côté couleurs, on va forcément trouver moins de couleurs vives, du fait qu'on recherche un maximum de lumière.
C'est une règle bien connue des photographes : plus une couleur est lumineuse, plus elle "tire sur le blanc" (plus elle est désaturée). Si tu surexposes une photo pour en accentuer l’aspect lumineux (ce que, personnellement, je fais beaucoup), les couleurs très vives - donc plus foncées, de base - auront tendance à s'affadir ou à devenir fluo. Il faut donc retravailler spécifiquement ces couleurs qui supporteront moins le traitement classique Fine Art qu'un rose poudré ou un bleu clair, par exemple.
Cette altération des couleurs avec le Fine Art est la raison pour laquelle je mets en garde les mariés dans mon article sur les différents styles de retouches, justement pour expliquer que s’ils souhaitent mettre l’accent sur la couleur à leur mariage, le Fine Art n’est pas forcément le style à privilégier (en tout cas, le rendu des photos ne serait pas le même qu'avec des dominantes blanches/pastel et monochromes).
Rien ne t'empêche, bien sûr, de choisir un photographe dont les photos tendent vers ce style, il saura de lui-même s'adapter au thème de ta journée (exemple avec deux de mes mariages : le mariage de Lucie et Maxime, très coloré, dans une ambiance très différente de celui de Thomas et Sara, par exemple). Mais disons que si tu t'attends à retrouver cette extrême lumière et cette blancheur alors que tes couleurs de mariage sont le bleu vif ou le rose fuchsia, par exemple, tu risques d'être déçu et de ne pas obtenir le rendu que tu espérais.
Les photos "rangées"
Souvent, dans les reportages Fine Art, j'ai l'impression de voir beaucoup de photos avec un travail sur une composition "ordonnée" et sur la symétrie. Ça peut être des photos de lieux, de gens, ou les fameux flatlays qui sont des odes au rangement et à l'ordonnance.
Je pense que cette tendance au "rangement", voire à la symétrie dans la composition vient des origines du mouvement. Les premiers photographes Fine Art cherchaient à transmettre une idée, une sensation, plutôt qu'une représentation du réel. Cela pouvait les amener à chercher des compositions très graphiques, parfois même jusqu'à rendez difficile pour le spectateur l'identification du sujet de la photo : des rampes d'escaliers qui s'entrelacent, une façade très sobre, des formes géométriques, etc. L'idée initiale était d'aller toujours plus loin dans cette volonté de créer une œuvre subjective et de faire primer ce que la photo dégage sur ce qu'elle montre.
En photo de mariage, cette notion de symétrie, de travail sur les lignes, est récurrent en Fine Art, sans doute aussi selon moi parce que ce qui est bien rangé est harmonieux, ça flatte l'œil, et obtenir un rendu doux et apaisant est l'un des objectifs du Fine Art en mariage.
La triade de la photographie de mariage Fine Art aujourd'hui (selon moi) : intemporel, épuré, élégant
On pourrait faire un bingo des termes qu’on trouve sur les sites internet de photographes ou les blogs de mariage dès qu’il s’agit de décrire la photographie de mariage Fine Art, mais dans les (nombreux) articles et descriptifs que j’ai lus, il y en a trois récurrents : intemporel, épuré, élégant.
Épuré
Comme je te l'expliquais plus haut, les compositions Fine Art ont tendance à supprimer les éléments superflus - une veste abandonnée, une chaise pas alignée avec les autres, des personnes qui entrent dans le cadre - au profit de la création d'une atmosphère harmonieuse et ordonnée. C'est par conséquent logique de retrouver des compositions épurées dans ce style de photographie de mariage : tout élément ne contribuant pas activement à la composition sera éliminé si c'est possible.
Intemporel
Une photo très épurée et qui se veut harmonieuse et lumineuse va naturellement générer une atmosphère très neutre, c'est-à-dire classique, donc intemporelle, moins sensible aux effets de mode. De plus, il n'est pas rare pour les photographes Fine Art de s'appuyer sur des décors faits de façades anciennes, grandioses, ce qui renforce ce côté intemporel.
Élégant
On retrouve dans le Fine Art des photos plus posées, par opposition au photojournalisme « sur le vif » : une mariée assise gracieusement, une robe photographiée suspendue à une fenêtre d’où jaillit une lumière diaphane, un couple marchant dans une allée blanche derrière laquelle trône un somptueux domaine à la façade immaculée, etc. Ces photos mises en scène renvoient aux toutes premières photos de mariage, qui étaient à l'époque uniquement des photos posées, ce qui crée une atmosphère particulière que l’on associe généralement à la sobriété, le classicisme et l’élégance.
Dans l'imaginaire collectif, l'élégance se définit comme une approche harmonieuse, légère, simple. Autant de caractéristiques vers lesquelles tendent clairement l'approche de photographie de mariage Fine Art.
Conclusion
La photographie de mariage Fine Art se caractérise par une approche de la photo basée sur l'harmonie et la sobriété dans la composition ainsi que dans les couleurs. Le rendu est donc très lumineux, avec des couleurs claires et une majorité de teintes blanches. L'atmosphère qui se dégage de ces photos se veut très douce, d'où des contrastes moins prononcés que dans d'autres styles de photographie de mariage.
Si ça t'intéresse, je m'étais amusée à retoucher une même photo avec plusieurs approches différentes dans cet article. Cela peut te permettre de mieux identifier pourquoi telle ou telle photo te plaît et de conforter ton choix de te diriger vers un style de photographie de mariage Fine Art ou vers du Moody, par exemple (qui met en valeur d'autres éléments dans une photo et peut donc se prêter davantage à ton mariage).
Pour rappel, et comme je l'ai déjà beaucoup expliqué sur ce blog, choisir un photographe de mariage, c'est bien sûr choisir un style qui te plaît (revêtir l'Immortalité avec un style que t'aimes pas, c'est moyen bof) mais c'est surtout t'appuyer sur quelqu'un qui te rassure, te met en confiance, et t'accompagneras au mieux. Le style, l'intention photographique, l'ambiance, tout cela est évidemment important, mais ça ne doit pas te faire perdre de vue la question de ton lien de confiance avec ton photographe de mariage, surtout dans l'optique d'obtenir ces clichés spontanés et naturels que nous aimons tous retrouver en photo de mariage.
Tu peux retrouver plusieurs de mes reportages de mariage ici. Pour me contacter et me parler de ton projet c'est par là.
L'ensemble des photos utilisées pour illustrer cet article sont les miennes - sauf celle de Karl Marx car je suis malheureusement née 150 ans trop tard pour avoir connu John Mayall. Je n'ai pas connu Marx non plus, d'ailleurs.
C'est tout pour aujourd'hui ! J'espère t'avoir apporté quelques éléments de réflexion, et je te dis à très bientôt !
Manon
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